VANTHOME Victor
Né le 28 juillet 1928 à Bousbecque (Nord), mort le 2 mars 2004 ; professeur de l’enseignementprivé catholique ; professeur de l’enseignement catholique puis enseignant de la FPA (Formationprofessionnelle des adultes) à Osséja (Pyrénées-Orientales) ; militant de la CGT ; militant du MLP, duPSU, de l’Alternative rouge et verte ; militant associatif et de la protection de l’environnement (à laFENEC)

Victor Vanthome était le fils de Victor Vanthome (né à Tourcoing le 13 octobre 1883) et de Zénaïde Rousselle (née le 26 juillet 1888). Le grand-père paternel de Victor (Aloïs, Léonard Vanthomme, orthographié avec deux « m ») était belge, natif de Langemarck, dans les Flandres (à quelques kilomètres de Bousbecque séparée de la Belgique par la Lys) et boucher à Tourcoing (Nord). Sa grand-mère paternelle (Rosalie, Joseph Maës) était originaire de Bousbecque. Dans la branche maternelle, Charles Rousselle était fils de cultivateur de Bousbecque et lui-même tailleur de lin puis, selon Victor, boulanger tandis que Marie, Victorine, Joseph Blondeau, son épouse, était ménagère. En raison de l’arrivée d’un concurrent en boucherie, Aloïse décida de partir au Canada puis aux États– Unis d’Amérique avec toute sa famille. Quelques années plus tard il décéda durant un orage. La branche maternelle parvint à convaincre la veuve de revenir en France avec ses enfants. Ils revinrent à la veille de la guerre de 1914-1918. Victor père fit la guerre de 14-18 et devint électricien en usine à la papeterie Dalle. L’importance de cette entreprise familiale et la façon de gérer l’emploi faisait alors dire :« Bousbecque est féodale ». Selon Victor Vanthome fils, la famille découvrit, alors, une France arriérée par rapport à ce qu’ils avaient vu en Amérique du Nord.
Au retour de la guerre, Victor père, épousa Zénaïde, Marie Rousselle, le 25 avril 1919. Ils eurent quatre filles et deux garçons dont l’un décéda en bas âge. Victor était donc le cadet des cinq enfants vivants. Très tôt il fit de violentes crises d’asthme. Les familles Vanthome et Rousselle, menées par le grand-père maternel, artisan boulanger pendant la guerre de 1914-1918, firent l’exode jusqu’à Merville (43 km). En juin 40, Charles, le grand père, entra dans une colère violente contre Pétain qui demandait l’armistice.
Victor père, parlait anglais et construisait des postes de radio, dès 1928, qu’il perfectionnait. Ainsi, la famille put entendre l’appel du 18 juin de de Gaulle ; leur radio ne fut pas brouillée plus tard par les Allemands. Malheureusement, Victor perdit successivement son père, mort d’une tuberculose, en 1943, et sa mère, d’un cancer, en février 1948. La famille était très catholique ; cependant les enfants n’allèrent pas à l’école paroissiale créée par la famille Dalle pour ses ouvriers, ni, bien sûr, à l’école publique, mais chez les Frères des Écoles chrétiennes (institution Charlemagne), rue de la barre à Lille. Victor participa aux activités des « Coeurs vaillants », organisation pour la jeunesse de l’Union catholique ouvrière, de sensibilité sociale. Après le brevet élémentaire, Victor choisit d’aller à l’institut pédagogique Saint-Joseph de Lille pour devenir enseignant dans l’enseignement catholique. À la fin des études, ses problèmes d’asthme amenèrent sa famille et ses enseignants à réfléchir à une solution professionnelle « vers le sud ». Le choix de l’Aveyron venait du grand nombre d’écoles confessionnelles dans ce département. Il partit pour Villefranche-de -Rouergue (Aveyron) et fut nommé dans une école paroissiale ; sa soeur ainée,
Geneviève, qui a suivi un cursus similaire à l’école normale catholique des filles de Loos-lès-Lille, l’accompagna (Institution de la Sainte -Famille). Elle épousa un réfugié catalan, originaire de Gérone et communiste orthodoxe. Victor y resta deux ans, puis dut quitter l’Aveyron pour Auch (Gers), lorsque les écoles paroissiales de l’Aveyron furent reprises par une congrégation ayant ses propres enseignants. Il enseigna l’histoire, la géographie et les sciences dans un collège des Frères des Écoles chrétiennes (école Sainte-Marie). Dès cette période auscitaine, il commença à prendre des initiatives pour regrouper les enseignants des écoles catholiques pour la défense de leurs intérêts professionnels. Devenu tuberculeux, il subit un pneumothorax, inefficace car il avait trop de brides, puis un traitement à la streptomycine. Il passa un été à l’hôpital d’Auch. Puis, il demanda conseil à un frère des Écoles chrétiennes, qui connaissait le Mas Blanc de Bourg-Madame (Pyrénées-Orientales), en Cerdagne — dont la réputation était connue pour soigner les problèmes pulmonaires — et la famille Bordes-Pruja, de Toulouse, propriétaire d’un sanatorium à Osséja (Pyrénées-Orientales). Il décida de se faire soigner dans ce sanatorium, le Soleil Cerdan, où il arriva le 28 septembre 1951. Son état de santé s’améliora pendant son séjour de deux ans ; il crut pouvoir alors retourner à Auch, en 1953, mais rechuta immédiatement. Durant ces deux ans, il découvrit, parmi les patients, au travers du milieu populaire, dont il faisait certes partie par ses origines, un monde plus prolétarien, parisien et en partie immigré, et la nécessité de combats pour s’opposer aux conditions de vie subies. Un mouvement de malades existait depuis 1945 : la fusion du Mouvement national des malades et du service« santé populaire » du Mouvement populaire des familles avait permis de créer la Fédération des malades, qui était surtout implantée dans les sanatoriums. Victor participa aux activités en grande partie clandestines de l’Amicale des malades d’Osséja, regroupant des malades venant de toutes les maisons (à peu près dix maisons). Il devint trésorier. Grâce à cette amicale et à la volonté de ses membres — qui s’estimaient maltraités, peu considérés, en un mot comme de véritables « vaches à lait » — et aux luttes, ils obtinrent des améliorations : coupe de cheveux, nourriture, cinéma, bibliothèque, livres d’enseignements. Vanthome rencontra Maurice Baduel, très grand malade, qui n’avait pratiquement jamais pu travailler. Très engagé, il avait obtenu par le biais de l’Amicale que des enseignants de l’éducation nationale en rééducation puissent être nommés dans les maisons et, ainsi, aider scolairement d’autres malades. De plus, l’amicale avait obtenu qu’un pourcentage du prix de journée déterminé par la préfecture fût alloué à du matériel scolaire (livres ou personnel employé par le syndicat patronal des maisons de santé). C’est alors que Victor entra en contact avec la Fédération nationale des malades, infirmes et paralysés (FNMIP). Il existait une autre association, la FNLA (Fédération nationale de lutte anti tuberculeuse, proche de la CGT) dont le vice-président était Jacques Noël qui faisait des séjours à Osséjà. Ils travaillèrent ensemble au sein de l’Amicale. Victor circulait dans les établissements et distribuait le journal de la FNMIP, Vers la Vie, mais aussi la presse catholique (La Vie catholique, Radio-Cinéma, ancêtre de Télérama) et critique (Témoignage chrétien). Il était aussi commissaire à la Rééducation, responsable de l’aide aux malades pour préparer leur réinsertion. Il participait à des activités à Osséja, sa commune de résidence. Il vendait la presse catholique dans le village et organisa le ciné-club du d’Osséja dont il fut un animateur assidu. Ce fut durant cette période qu’il rencontra, Marguerite Cotrina, née le 6 avril 1921 à Osséja qui devint son épouse. Il fut aussi en contact avec le mouvement familial rural et en particulier avec Jacques de Maury, agriculteur à Villeneuve-des-Escaldes (ancienne commune de Cerdagne fusionnée en 1973 avec Angoustrine), conseiller agricole et fermier au Mas Blanc.) Cet agriculteur avait pour projet de créer une école rurale, sorte de collège professionnel catholique agricole pour les jeunes Cerdans, projet qui intéressait Victor. C’est ainsi que son retour en Cerdagne pour raison médicale se fit au mas Blanc. Mais sa santé se détériora, selon lui en raison de la présence d’animaux. Il dut retourner au Soleil cerdan. C’est alors que les Maisons de santé obtinrent des crédits importants et que les contacts pris avec la FPA (Formation professionnelle des adultes), pour la reconversion professionnelle, se concrétisèrent. La pression de l’Amicale sur les directeurs des maisons de santé les amena à créer des postes. En 1954, Victor fut nommé bibliothécaire au Soleil cerdan et Maurice Baduel à la Solane. Ils obtinrent de se répartir le travail. Victor, plus attiré par la pédagogie, enseigna tandis que Maurice, attiré par la psychologie, se chargea de la réorientation professionnelle. En 1955, trois postes furent créés et des personnels furent recrutés par la FPA, au nom du syndicat des directeurs de maison de santé : Jacques Noël fut nommé chef du service, Maurice psychologue et Victor enseignant. Au total, en plus des trois nommés, deux professeurs de l’enseignement professionnel vinrent pour la FPA, auxquels on ajouta cinq enseignants de l’Éducation nationale. La revue Réadaptation de l’ONISEP cita en exemple cette expérience. Grâce au travail de l’Amicale et de ses militants, cette structure appelée successivement Centre de pré-éducation, puis centre d’orientation progressive (présidents connus M. Foulquier, Mme Pruja) apporta une aide précieuse aux malades. On pouvait y ajouter le matériel de reliure que le centre de reclassement professionnel de Celleneuve (Hérault) donna aux animateurs de ce nouveau centre de formation, dans le cadre de la « thérapie occupationnelle ».
Durant cette période, Victor se rapprocha politiquement du Mouvement de libération du peuple (MLP), sans que l'on sache avec certitude s'il en fut membre. Ce mouvement était issu du Mouvement populaire des familles (MPF), qui, lors du congrès de Nancy d'octobre 1950, assuma l'évolution de ses activités, devenant plus politiques. Cela entraîna en octobre 1951 une scission des militants, qui voulaient continuer à s'investir dans des activités davantage sociales que politiques, qui créèrent le Mouvement de libération ouvrière (MLO). Ce fut aussi à cette période que Victor adhéra à la CGT, malgré le rôle ambigu que, selon lui, jouait ce syndicat à Osséja ; ainsi, par exemple, la bataille sur les salaires se résumait à exiger une augmentation du nombre d’heures supplémentaires (laissant ainsi travailler les employés jusqu’à 54 heures par semaine, dont près d’¼ en heures supplémentaires) plutôt que de lutter pour une augmentation des salaires. Ses prises de position, aussi bien sociales que religieuses ou politiques (opposition à la guerre d’Algérie) firent qu’il obtient difficilement sa carte d’adhérent. Il ne se sentait soutenu que par Jacques Noël. Cependant, dans les années 1960, il fut élu au conseil syndical du personnel hospitalier de Cerdagne, et même secrétaire adjoint de ce conseil. Mais, en mai 1968, il démissionna de ses mandats de secrétaire adjoint et de membre du conseil syndical CGT du personnel hospitalier d’Osséja. Ses désaccords avec les responsables locaux du syndicat (Peytavi et Oriol) lui semblaient insurmontables, d’autant plus qu’il pensait que la majorité des syndiqués leur donnait raison.
Du point de vue politique, Victor Vanthome fut adhérent du Parti socialiste unifié (PSU), dès sa naissance, sans que l’on puisse savoir s’il fut, auparavant, membre de l’Union de la gauche socialiste (UGS) — qui regroupait depuis décembre 1957, le Mouvement uni de la Nouvelle gauche (MUNG), le Mouvement de libération du peuple (MLP), des dissidents de la Jeune République (JR), l’Action socialiste (AS) et l’Unité Socialiste (US) — du Parti socialiste autonome (PSA) autre composante du PSU. Peu après, c’est d’ailleurs au travers du PSU qu’il tenta de résoudre ce problème de désaccord. En effet, en février 1974, le PSU appela à une réunion générale des travailleurs syndiqués et non-syndiqués des Maisons de santé d’Osséja. En effet, les salaires ne furent pas augmentés alors que le coût de la vie augmentait de 8,5%, tandis que la prime de logement est supprimée. La réunion fut un succès, bien que les représentants syndicaux de la CGT et de la CFDT fussent absents. Cette réunion conclut qu’il fallait créer une intersyndicale à l’échelon local et dans chaque maison de santé pour faire céder les patrons. Le nom de Victor apparut alors comme contact pour les travailleurs. Ce fut peut-être à ce moment qu’il a été licencié de son travail, puisque les témoins rencontrés parlent d’une période où il a dû aller travailler à Toulouse. Mais, à de propos, on n’a pas pu trouver d’autres informations. En 1983, il mena campagne à Osséja sous le sigle du PSU contre la municipalité sortante sans pour autant donner un blanc-seing à l’autre liste, tout aussi patronale que la première. En 1984 et 1989, ses récriminations contre le patronat des maisons de santé apparurent toujours aussi violentes. Après 1989, ce fut au travers de l’Alternative rouge et verte qu’il apparut politiquement. Et ce fut enfin avec la Fédération pour les espaces naturels et l’environnement catalan (FENEC) qu’il termina ses combats, dénonçant en 1996 des tentatives de liquidation de la loi montagne, participant aux recherches qui permirent de dénoncer bon nombre de scandales environnementaux dans les Pyrénées-Orientales. Malheureusement sa santé et celle de son épouse, Marguerite, l’obligèrent à réduire ses activités. Cependant en dénonçant les injustices, il resta lui-même jusqu’à son décès.


SOURCES : Archives départementales du Nord. — Archives municipales d’Osséjà. — Jean-Claude Gillet*, Le Parti socialiste unifié, une étoile filante dans l’univers politique de la Catalogne du Nord(1960-1990), Perpignan, Éditions Trabucaire, 2014, 200 p. et brochure du même titre apportant des compléments d’informations, Éditions Institut Tribune socialiste. — Entretiens avec Victor Vanthome en 2002. — Entretiens avec plusieurs compagnons de route de Victor Vanthome (Albert Renart, Georgette Ximenez et Jean-Claude Gillet*) en 2016

Pierre CHEVALIER